Construction et articulations : une guerre d’usure

Construction et articulations : une guerre d’usure

Lorsqu’on évoque les risques du travail sur un chantier, on songe tout de suite à cet accident de véhicule motorisé qui a coûté la vie à tel ouvrier, ou alors, à cette chute dramatique qui a laissé tel autre ouvrier paraplégique. Probablement la faute à la CSST et à ses campagnes choc qui forcent à envisager le pire dans l’espoir d’inciter employeurs et employés à respecter un minimum de mesures de sécurité. Du coup, on semble faire peu de cas des troubles musculosquelettiques (TMS) qui, en comparaison, peuvent sembler des blessures mineures. N’empêche que, bon an mal an, les TMS sont à l’origine de milliers de réclamations en prestations d’invalidité dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.

En effet, l’Enquête québécoise sur des conditions de travail, d’emploi, et de santé et de sécurité du travail (EQCOTESST) effectuée entre 2007 et 2008 démontre que les ouvriers qualifiés, les ouvriers non qualifiés, les manœuvres et, plus largement, les hommes de professions manuelles sont plus sujets aux troubles musculosquelettiques liés au travail que les travailleurs des autres catégories professionnelles. Selon une enquête menée par l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, les TMS chez les employés du secteur du bâtiment et des travaux publics représentent 28% des lésions indemnisées dans la région de la métropole québécoise. Il s’agit donc d’un enjeu de santé majeur.

COMMENT EXPLIQUER CE TAUX ÉLEVÉ DE BLESSURES CHEZ CES HOMMES RECONNUS POUR LEUR FORTE STATURE?

De manière générale, les facteurs qui favorisent l’apparition de trouble muscolosquettiques liés au travail peuvent être regroupés en quatre catégories :

  • Les facteurs organisationnels, c’est à dire, qui relèvent d’une mauvaise organisation du travail, ce qui provoque des situations difficiles à gérer pour les employés. On pense par exemple aux délais d’exécution trop serrés, à l’équipement inadéquat, etc.
  • Les facteurs biomécaniques, soit tout ce qui touche aux efforts que le corps doit fournir en fonction des tâches à effectuer. Parmi les facteurs biomécaniques à la source de TMS, on retrouve l’emploi d’une force importante, les postures contraignantes ou statiques et les gestes répétitifs.
  • es facteurs individuels, qui sont directement liés au personnel de l’entreprise, par exemple, l’âge des employés ou le nombre d’années cumulées à un poste exigeant.
  • Les facteurs aggravants, qui englobent tous les autres facteurs susceptibles de rendre la vie dure aux employés, notamment les conditions climatiques, les vibrations, une atmosphère stressante, etc.

En ce qui concerne la prévalence élevée de TMS chez les ouvriers du secteur du bâtiment et des travaux publics, elle pourrait s’expliquer entre autre du fait que ces travailleurs sont généralement soumis à davantage de contraintes physiques et organisationnelles que les travailleurs des secteurs mixtes ou non manuels. Ils sont notamment appelés à:

  • Soulever et transporter des charges lourdes;
  • Travailler les bras levés, en extension;
  • Pousser, tirer à répétition;
  • Se pencher, se courber;
  • Travailler à genoux, s’accroupir;
  • Utiliser du matériel vibrant;
  • Se déplacer avec des charges ou à travers des obstacles;
  • Monter ou descendre en portant une charge.

Autant d’actions qui peuvent entrainer une sursollicitation des muscles et des tendons entourant les articulations et contribuer à les fragiliser; un terrain prédisposant à l’apparition de TMS en tous genres.

COMMENT RECONNAÎTRE, PRÉVENIR ET SOULAGER LES TMS QUI AFFECTENT LES OUVRIERS ET, PAR LE FAIT MÊME, LES CHANTIERS

Selon l’enquête menée par l’Agence de santé et des services sociaux de Montréal, les TMS observés dans le secteur du bâtiment et des travaux publics toucheraient davantage les membres inférieurs. Le diagnostic le plus souvent associé aux TMS de ces travailleurs est « entorse, foulure, ligamentite », attribué à des « réactions du corps et efforts ».

Plus globalement, les contraintes physiques particulièrement exigeantes des métiers de la construction peuvent prédisposer à une grande variété d’affections qui touchent autant les membres supérieurs qu’inférieurs. En voici quelques-unes.

L’HERNIE DISCALE ET LA SCIATIQUE

Une hernie discale se manifeste par la saillie d’une portion d’un disque intervertébral, soit l’un des disques qui se retrouvent entre chacune des 24 vertèbres de la colonne vertébrale et dont la fonction est d’amortir les chocs provoqués par les mouvements. Elle survient plus souvent dans les vertèbres du bas du dos, ce qui peut provoquer une douleur localisée dans cette région (appelée lombalgie) ainsi qu’une douleur qui élance le long de la jambe (nommée sciatique).

Le traitement de base consiste à prendre du repos, notamment en cessant l’activité en cause, ainsi que des médicaments pour soulager la douleur et réduire l’inflammation. Dans la plupart des cas, les douleurs causées par une hernie s’estompent après quatre à six semaines de soins et de précautions. Toutefois, le risque de récidive demeure élevé, il faudra donc demeurer prudent.

Des ceintures conçues spécialement pour protéger le dos des travailleurs peuvent contribuer à prévenir l’apparition des douleurs lombaires et des hernies discales.

LA TENDINITE DE LA COIFFE DES ROTATEURS

La tendinite de la coiffe du rotateur désigne une inflammation des tendons qui retiennent le bras dans l’épaule. Elle touche particulièrement les travailleurs qui doivent soulever les bras au-dessus de leur tête en effectuant des mouvements vers l’avant, comme c’est le cas des menuisiers, des plâtriers et des peintres. Elle se manifeste par une douleur et une perte de mobilité au niveau de l’épaule.

Il est primordial de traiter la tendinite de la coiffe des rotateurs dès l’apparition des premiers symptômes pour éviter les possibles complications. L’épaule est une articulation particulièrement vulnérable car elle risque de geler ou de bloquer après une tendinite. Au cours des 48 à 72 premières heures, il est faut donc voir sans tarder à réduire la douleur et l’inflammation en mettant l’épaule au repos et en appliquant de la glace trois à quatre fois par jour, pendant une dizaine de minutes.

En phase de réadaptation, des traitements de physiothérapie pourront aider à réduire l’inflammation ou la douleur résiduelle et à retrouver la mobilité.

LA BURSITE

Le terme «bursite» désigne une inflammation d’une bourse séreuse, petite poche remplie de liquide que l’on retrouve autour des articulations, entre les tendons et les os. L’articulation la plus généralement touchée par la bursite est l’épaule, mais les coudes, les genoux et les hanches peuvent également en être affectés. L’inflammation résulte souvent d’un effort répétitif imposé à une articulation ou alors d’une pression continue sur la bourse elle-même, par exemple, en s’agenouillant.

La bursite se manifeste par une douleur dans la région de l’articulation touchée, parfois accompagnée d’une rougeur, d’une sensibilité et d’un gonflement. Elle se traite généralement au moyen d’une période de repos de la zone affectée. Ce repos peut être favorisé par le port d’une attelle. L’application locale de glace et la prise de médicaments anti-inflammatoires contribuent également à soulager la douleur.

L’ÉPICONDYLITE

L’épicondylite est une affection douloureuse qui résulte d’un surmenage du tendon des muscles extenseurs attachés à l’épicondyle (une petite saillie de la face externe de l’os du haut du bras, située près du coude). Son apparition est souvent liée à la façon dont les travailleurs exécutent certains gestes, telles que la préhension, la torsion, l’extension du bras et le déplacement.

Elle peut se manifester de différentes manières. Au travail, la douleur apparait parfois lorsque l’on veut visser quelque chose ou porter un objet lourd à bout de bras. Les mouvements de rotation de l’avant-bras provoquent une douleur souvent violente.

Le meilleur traitement de l’épicondylite demeure le repos en évitant les gestes qui ont conduit à la lésion. L’application locale de glace et la prise d’analgésiques contribueront également à réduire les symptômes. Lors de la période de réadaptation, le port d’une attelle conçue pour diminuer la tension sur les muscles épicondyliens peut s’avérer nécessaire si l’on doit effectuer les mouvements du poignet qui sont à l’origine du problème.

SYNDROME DU CANAL CARPIEN

Le syndrome du canal carpien est provoqué par la compression, au niveau de son passage du poignet à la main, d’un nerf qui longe un canal étroit, juste au-dessus du poignet. En cas de syndrome du canal carpien, le canal commence à se rétrécir, ce qui comprime le nerf et entraîne une inflammation.

Le syndrome du canal carpien est favorisé notamment par la répétition des mouvements du poignet et de l’avant-bras, la préhension serrée ainsi que la manipulation d’outils qui vibrent. Il se manifeste par des engourdissements à la main et aux doigts, une douleur au poignet et à la paume de la main ainsi qu’une difficulté à saisir les objets, même légers.

Son traitement consiste essentiellement à reposer le poignet atteint en interrompant l’activité répétitive à l’origine de l’apparition du syndrome ou en en modifiant le rythme et l’intensité. Le port d’une attelle la nuit peut également être recommandé pour empêcher le poignet de plier et éviter ainsi de comprimer le nerf médian durant le sommeil. Comme pour les autres affections du genre, l’application de glace et la prise de médicaments anti-inflammatoires contribueront à soulager la douleur.

LA TENDINITE DU TALON D’ACHILLE

La tendinite du talon d’Achille se manifeste par une douleur particulièrement intense au tendon d’Achille (un point très sensible du corps, situé au bas du mollet, sur le talon) Occasionnellement, on sentira également une raideur au niveau du mollet.

Cette tendinite est causée par une inflammation du tendon d’Achille ou par des micro-ruptures pouvant se situer à différents niveaux du tendon. Un effort excessif répété ou de mauvaises chaussures sont souvent à l’origine du problème.

Le repos, l’application de glace et les analgésiques sont encore une fois à la base du traitement en phase aigüe. Le port d’une talonnette ou d’une semelle orthopédique peut également être bénéfique.

PARLEZ-EN À VOTRE MÉDECIN

Il est à noter que dans tous les cas, l’apparition de symptômes évoquant un trouble musculosquelettique devrait amener à consulter un professionnel de la santé pour obtenir un diagnostic précis et être orienté vers le traitement approprié. Cela demeure le meilleur moyen d’éviter les complications susceptibles de prolonger inutilement les souffrances et les congés forcés.

SOURCES

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